Le 12 Décembre 2023, de nombreux doctorants du LEDi ont assisté à la journée interdoctorale organisée à Dijon. Mahamoudou Zoré et Richard Cupillard nous racontent plus en détails cette journée.
Les 14, 15 et 16 juin 2022, le congrès annuel de l’Association Française de Science Économique (AFSE) prenait place à Dijon, organisé par les trois laboratoires structurant la recherche en économie à l’échelle de la région Bourgogne Franche-Comté : le Laboratoire d’Économie de Dijon (LEDi), le Centre d’Économie et de Sociologie appliquées à l’Agriculture et aux Espaces Ruraux (CESAER) et le Centre de REcherche sur les Stratégies Économiques (CRESE). Face au succès de cet événement ayant attiré des keynote speakers reconnus à l’international (interviews disponibles sur https://ledi.u-bourgogne.fr/le-blog-des-doctorants-du-ledi/), les trois laboratoires ont décidé de se rassembler une nouvelle fois autour de l’organisation d’une manifestation scientifique. Cette année, les doctorants ont été mis à l’honneur à l’occasion d’une journée d’étude qui leur donnait l’opportunité de présenter leurs travaux de thèse et d’échanger avec des chercheurs issus des trois unités où coexistent différentes expertises, de l’économie des territoires à l’économie de l’innovation en passant par l’économie de l’environnement, sans oublier les développements les plus récents autour de la notion – parfois mystérieuse mais toujours passionnante – de machine learning. Afin d’assurer une représentation équilibrée des différents laboratoires, trois doctorants du LEDi (Richard Cupillard, Reine Annie Zongo et Maxence Follot), trois doctorants du CESAER (Bai Kaixuan, Martin Regnaud et Mirella Kaboré) et trois doctorants du CRESE (Alexis Roussel, Khaoula Naili et Mathilde Stoltz) ont pu présenter leurs recherches dans le cadre de différentes sessions thématiques (programme détaillé disponible sur https://ledi.u-bourgogne.fr/journee-inter-doctorale-12-decembre-2023/).
Les présentations des doctorants ont été réparties en quatre sessions thématiques, illustrant ainsi la diversité des recherches conduites dans nos laboratoires. La première session, présidée par Stéphane Blancard (CESAER, Université de Bourgogne), s’est focalisée sur « le management et l’allocation des ressources ». Cette session a mis en avant les recherches de Richard Cupillard (LEDi), sur la préservation de la biodiversité urbaine, et d’Alexis Roussel (CRESE), sur la modélisation de la pénurie de matériel médical. Les discussions se sont ensuite orientées vers « les réglementations environnementales et la performance économique » dans une deuxième session présidée par Mouez Fodha (PSE, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne). Bai Kaixuan (CESAER) y a présenté ses travaux sur la congestion dans le secteur agricole chinois, puis Reine Annie Zongo (LEDi) a exploré l’impact des réglementations environnementales sur l’innovation. La troisième session, présidée par Christophe Hurlin (LEO, Université d’Orléans), a abordé « les avancées en économie à l’ère des nouvelles technologies de l’information et de la communication », sur des sujets tels que la communication des banques centrales, présentée par Maxence Follot (LEDi), les défis de l’intelligence artificielle dans le domaine juridique, exposés par Khaoula Naili (CRESE), et la formation des prix sur le marché immobilier, adressée par Martin Regnaud (CESAER). La journée s’est achevée par une quatrième session portant sur « les expositions aux nuisances et les disparités socio-économiques », présidée par Catherine Baumont (LEDi, Université de Bourgogne). Au cours de cette dernière session, Mirella Kaboré (CESAER) a abordé la perception du risque de pollution, tandis que Mathilde Stoltz (CRESE) a examiné les effets de l’exposition aux sites dangereux sur la pauvreté.
La journée a également été ponctuée par les conférences des deux keynote speakers qui sont venus à la rencontre des doctorants spécifiquement pour cette occasion. Au cours de la matinée, Mouez Fodha, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, nous rappelait que si la prise de conscience environnementale remonte aux années 1970 (avec la publication du rapport Meadows sur « les limites de la croissance »), ce n’est que plus récemment que le terme de « transition » est apparu dans les débats. Tantôt « écologique », tantôt « énergétique », voire plus largement « environnementale », cette transition désigne « un ensemble de transformations impliquant des coûts et des bénéfices pour la société, l’objectif global étant de parvenir à des bénéfices nets sociaux positifs à long terme ». À l’heure où la plupart des modèles économiques se basent sur des critères de maximisation de l’utilité intertemporelle, les arbitrages des décideurs publics doivent intégrer non seulement le coût monétaire des mesures environnementales, qui est supporté aujourd’hui, mais aussi le coût d’opportunité de l’inaction climatique, qui se manifestera nécessairement demain. À cet égard, Mouez Fodha citait les travaux de Nicholas Stern qui, dès 2006, avertissait quant au besoin de consacrer chaque année 1% du Produit Intérieur Brut (PIB) à l’action climatique, sous peine de voir ce coût être multiplié par cinq voire par vingt à l’horizon 2030. Ce résultat est corroboré par une étude récente de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, qui montrent que 70 milliards d’euros par an jusqu’en 2030 suffiraient à contrer les effets négatifs du changement climatique mais que, dans un scénario de réchauffement à +3,5°C, ce montant pourrait passer à 260 milliards d’euros. Les coûts d’aujourd’hui sont donc aussi les bénéfices de demain. Pour commencer l’après-midi, Christophe Hurlin, Professeur à l’Université d’Orléans, nous invitait à prendre du recul quant aux intérêts et limites d’une autre thématique dont il a largement été question au cours de cette journée : le machine learning. Dans un monde où le nombre d’informations disponibles croît de façon exponentielle, au point d’entendre certaines voix s’élever contre une prétendue « dictature de la donnée », il est nécessaire de s’interroger quant à la neutralité des algorithmes d’intelligence artificielle. Pour certaines applications dites « à haut risque », telles que la sécurité, la santé ou encore le transport, cette question est plus que jamais d’actualité. Christophe Hurlin prenait l’exemple du crédit pour montrer que les algorithmes sont susceptibles de reproduire et de systématiser les biais humains présents dans les processus sur lesquels ils reposent, et donc que les innovations technologiques ne sont pas toujours sources de davantage de justice sociale. Si les femmes présentent en moyenne un risque de non-remboursement plus élevé que les hommes, est-il justifié de leur charger un taux d’intérêt plus élevé que les hommes ? Cela répond-il aux simples lois du marché ou, au contraire, à une forme de discrimination ? Nul doute que la théorie économique saura s’emparer de ces questions et apporter des éléments de réponse pour accompagner ces transformations sociétales toujours plus rapides.
Les doctorants tiennent à remercier l’ensemble des chercheurs ayant assisté à cette journée d’étude, en particulier Rachel Guillain, Stéphane Blancard, Mostapha Diss et Catherine Baumont, sans qui cet événement n’aurait pu se tenir.