Virginie Trémion – ICP Faculté d’éducation Paris, France
Véronique Lemoine-Bresson – Laboratoire ATILF CNRS, Université de Lorraine, France
Keywords
Éducation, Formation, Problématisation, Situations interculturelles, Vidéos
Abstract
Les étudiants que nous encadrons, qu’ils soient inscrits en Licence 1 ou en Master 2 métiers de l’éducation et de la formation, n’arrivent pas à l’université sans avoir vécu d’expériences interculturelles. L’interculturalité met l’accent sur les processus de (ré)actualisation des identités plurielles par les personnes dans les rencontres, dans les échanges en contextes variés et variables, et notamment dans la classe, espace marqué par les hétérogénéités en interaction. On focalise moins sur la culture comme déterminant des manières de faire (Abdallah Pretceille, 1999), de dire, d’être que sur la manière dont les personnes utilisent des traits culturels pour se dire/dire l’autre dans une communication verbale ou non : s’excuser, se défausser, séduire, escroquer, juger, assigner l’autre à être/ou pas, voire procéder à des microaggressions (Sue, 2010).En parcourant la biographie des étudiants, nous remarquons que certains ont profité de programmes à l’international comme Erasmus, ou d’accueil dans des écoles européennes dans le cadre de partenariat entre instituts d’éducation. En échanges collectifs en cours, certains utilisent d’ailleurs ce vécu pour afficher leur ouverture d’esprit ou leur tolérance vis-à-vis de toutes les cultures. Cependant, une de nos recherches (Lemoine-Bresson, Lerat et Gremmo 2018 ; Lemoine-Bresson et Trémion, 2019) montre que les expériences personnelles des étudiants peuvent être un frein dans le travail de problématisation (Fabre, 2017) de la notion d’interculturalité, de celle d’identité, et d’interprétation de situations interculturelles. Notre recherche montre que de nombreux étudiants en restent à une vision statique et essentialisante de la culture ou alors peinent à se distancier d’une interprétation ethnocentrée des situations interculturelles discutées en cours.Pourquoi ? Tout d’abord, nous notons que les étudiants sont rarement enclins à admettre qu’un problème peut se poser en situations de rencontre entre soi et l’autre, et de fait à identifier ce problème. Mais une fois le/les problèmes identifiés, certains ne sont pas forcément capables de traiter ce problème par un questionnement quant à l’interprétation de la situation interculturelle. Ce qui nous a amenées à nous interroger sur le choix des ressources à utiliser en cours pour atteindre un objectif de développement de la réflexivité et de la distanciation chez les étudiants futurs enseignants construit à partir du processus en trois temps qu’est décrire-problématiser-interpréter. Nous posons donc la question de recherche suivante : est-ce que la vidéo, en tant que support possible d’interactions, permettrait en formation d’enseignants de décrire une situation interculturelle, de la problématiser (conceptualiser) et de l’interpréter ? Les étudiants sont-ils prêts à sortir de leur zone de confort pour observer ce qui se dit/ou non, ce qui se passe dans les interactions posées comme « lieux d’actualisation des concepts cultures en jeu [1⁄4] » (Wilhelm, 2010) ? Selon nous, l’enjeu de réflexivité est indissociable d’une éducation interculturelle et est le processus central d’une démarche interculturelle laquelle a une visée praxéologique afin de développer le dialogue entre les terrains et la recherche.Il s’agit donc pour nous d’ »outiller » les étudiants dans le processus de réflexivité, à l’aide de la vidéo. L’utilisation de la vidéo dans nos formations s’inscrit plus dans une visée de transformation vers une meilleure compréhension des situations de tension que dans le cadre d’activités d’observation et d’analyse de pratiques (Gaudin et Chalès, 2012). Il s’agit pour l’étudiant qui visionne une vidéo d’apprendre à objectiver des situations d’interactions dans le contexte éducatif. Ce postulat repose donc sur l’idée selon laquelle le choix des vidéos et les modalités de visionnage de celles-ci pourraient avoir une influence dans la réflexion des enseignants novices sur les interactions.Le recueil de données a été réalisé dans le cadre de la formation des enseignants en sciences de l’éducation. Il s’agit pour cette étude de deux groupes qui se sont engagés dans des activités d’analyses filmiques à partir de visionnages de vidéo représentant des situations de contacts interpersonnels :18 étudiants en FOAD inscrits en M2 et de 14 étudiants inscrits en master 2 MEEF parcours encadrement éducatif en formation dite hybride. Dans cette communication, nous proposons de discuter les difficultés qui se posent aux étudiants quand ils sont sollicités pour entrer dans un processus en trois dimensions « décrire-problématiser-interpréter » pour appréhender des situations interculturelles. Nous proposons également un dispositif de formation pour mieux engager le débat social autour des problématiques interculturelles et répondre aux besoins des étudiants futurs enseignants confrontés à l’hyper- hétérogénéité des classes. Ce dispositif fait une large place à un outil sur l’annotation des vidéos, CELLULOID, développé dans le cadre d’un projet à la Faculté d’éducation de Paris. Il sera mis en place en 2019-2020 dans les cours « Interculturalité » en sciences de l’éducation à Paris et à l’INSPÉ de Lorraine en Master MEEF. Biographies auteures1. Virginie Trémion est maître de conférences à la Faculté d’Education de l’Institut Catholique de Paris. Elle participe à des travaux qui portent sur la communication médiée par ordinateur en formation et sur le rôle des outils technologiques dans l’éducation interculturelle.2. Véronique Lemoine-Bresson est maitre de conférences en sciences de l’éducation, spécialisée en éducation/formation interculturelle. Elle est en poste à l’Université de Lorraine à Nancy, au sein du Laboratoire ATILF CNRS depuis 2015, après avoir été professeure des écoles et conseillère pédagogique dans l’Académie de Lille. Ses enseignements se déroulent à l’INSPÉ de Lorraine. En formation comme en recherche, elle plaide pour le développement d’un positionnement critique et réflexif dans l’appréhension des problématiques interculturelles. Depuis 2016, elle pilote un projet de recherche à visée praxéologique qui associe chercheurs, étudiants de Master MEEF et enseignants d’écoles primaires dans l’Académie de Nancy-Metz (DiPerLang).
Bibliography
Abdallah Pretceille, M. (1999). L’éducation interculturelle. Paris : PUF.
Fabre, M. (2017). Qu’est-ce que problématiser ? Paris : Vrin.
Gaudin, C. & Chaliès, S. (2012). L’utilisation de la vidéo dans la formation professionnelle des enseignants novices. Revue française de pédagogie, 178, 115-130.
Lemoine-Bresson Véronique, Lerat Stephanie et Gremmo Marie-José. (Ré)élaboration de savoirs sur l’interculturel par l’écriture d’une expérience personnelle. Colloque « Immigration, dynamiques identitaires et politiques de gestion de la diversité », Canada, Halifax, Nova Scotia, 14-16 juin 2018. Site : https://www.icstconference.com/Sue, D.W. (2010). Microaggressions in Everyday Life. NY: John Wiley et Sons.
Wilhelm, C. (2010). Émergence d’une culture communicationnelle au sein d’un dispositif international en ligne. Distances et savoirs, 8, 79-107.