Ratification universelle de la convention n°182 de l’OIT sur le travail des enfants : quelle place pour l’éthique ?
Par Raphaël Maurel
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Le 4 août 2020, l’Organisation internationale du travail annonçait que « [l]es 187 États Membres de l’Organisation internationale du Travail (OIT) ont tous ratifié la Convention (n° 182) de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants, 1999 »[1]. Avec la ratification du Royaume des Tonga, la Convention 182 est dès lors devenue « la convention la plus rapidement ratifiée dans l’histoire de l’Organisation, depuis son adoption par la Conférence internationale du Travail il y a 21 ans »[2]. « Résultat historique », « moment historique », « rappel puissant et opportun de l’importance des normes de l’OIT »[3], la ratification universelle a été « saluée » de toutes parts.
Du point de vue du droit international, la ratification d’un traité est un acte unilatéral engageant l’État ratifiant à respecter son contenu. De point de vue éthique, cet acte est a priori neutre. Les États, comme les opinions publiques, peuvent en effet considérer que la ratification de tel traité va dans le sens d’une meilleure protection des droits humains, auquel cas la ratification pourra être perçue et présentée comme une action éthique – et son absence de ratification pourra le cas échéant être dénoncée et qualifiée d’omission non éthique par la société civile. À l’inverse, la ratification de tel traité facilitant le commerce de produits polluants ou dont la fabrication méconnaît notoirement certains principes éthiques – à l’instar du travail des enfants ou de la pollution des sols – pourra être considérée comme non éthique et dénoncée par la société civile, comme l’ont montré certains débats relatifs au CETA / AECG. En théorie, l’acte de ratifier un traité, de manière universelle ou non, n’est donc ni éthique ni non éthique : cette qualification ne peut être déterminée qu’in concreto, après examen de son objet, de son contenu et de ses conséquences.
Pourtant, il existe, nous semble-t-il, une forme de « présomption d’action éthique » lorsqu’il est question de la ratification certaines conventions, en particulier celles relatives à la protection des droits humains et celles de l’OIT. En suivant cette idée, il n’y qu’un pas à franchir pour considérer que la ratification de la Convention n°182, relative aux « pires » formes de travail des enfants, est en elle-même porteuse d’un message éthique, sans préjudice de son contenu.
Cette proposition est difficilement démontrable sur le plan juridique, car elle ne relève pas du champ de la science juridique. Cependant, sa vérification est susceptible d’apporter des éléments de réflexion plus généraux quant aux relations entre le droit international et l’éthique. Le raisonnement proposé est néanmoins, précisons-le, purement prospectif voire théorique : il se fonde sur le postulat selon lequel il existe une présomption de relation entre la ratification universelle de la Convention n°182 et le champ de l’éthique.
On peut alors, sur la base de ce « préjugé » non juridique selon lequel la ratification de la Convention n°182 constitue une action éthique, soulever un certain nombre de questions relatives aux rapports qu’entretiennent, dans l’imaginaire collectif, le droit international et l’éthique. Quelques-unes peuvent être traitées ici. D’une part, quel est le fondement de cette « impression générale » selon laquelle la Convention n°182 – parmi d’autres – est porteuse d’un message éthique (I) ? D’autre part, l’analyse du contenu de la Convention n°182 conforte-t-elle la présomption selon laquelle sa ratification est un acte globalement éthique (II) ? Enfin, le caractère « universel » de la ratification est-il ce qu’on pourrait nommer un « fait international éthique », ou plus généralement a-t-il un impact quelconque sur les liens entre la Convention n°182 et l’éthique (III) ?
I. La présomption de l’existence d’un lien entre la Convention n°182 et le champ de l’éthique
À notre connaissance, les déclarations officielles de politique étrangère, et globalement le discours juridique des États, ne font pas de lien direct entre la Convention n°182 et le champ de l’éthique[4]. Ce discours associant les conventions de l’OIT à l’éthique est porté par les organisations représentantes de la société civile – à l’instar du collectif « Éthique sur l’étiquette »[5], pour ne prendre qu’un exemple – et, surtout, par les entreprises multinationales. La Convention est en effet citée par d’innombrables codes de conduite interne ou codes fournisseurs de grandes entreprises, souvent présentés comme des codes/chartes/principes d’éthique. Pour ne prendre que quelques exemples, les entreprises Limagrain[6], Corning[7], Casino[8], Sanofi[9], JCDecaux[10] ou encore Nestlé[11], cette liste étant loin d’être exhaustive, présentent la Convention n°182, et souvent d’autres instruments de l’OIT ou non, comme les sources directes des « principes éthiques » ou « valeurs éthiques » de l’entreprise, voire indiquent que l’instrument est respecté et directement applicable au sein de l’entreprise.
Ainsi, le sentiment selon lequel il existe un lien plus ou moins direct entre la Convention n°182 et l’éthique repose largement sur le discours des entreprises multinationales. Il n’est pas anodin de relever que ce dernier repose sur un raccourci juridique : ces entreprises ne sont pas directement liées par ces conventions, qui s’adressent aux personnes juridiques reconnues par le droit international – c’est-à-dire les États. Annoncer respecter la Convention n°182, pour une entreprise multinationale, constitue dès lors une opération communicationnelle globalement dénuée de réalité juridique. Une entreprise peut être contrainte, par les droits internes dont elle relève à l’occasion de ses activités, de respecter les dispositions transposant la Convention, et peut décider d’appliquer dans tous les cas les principes que les États ont adoptés, y compris dans l’hypothèse où ces derniers ne les lui imposeraient pas. Néanmoins et dans la mesure où les législations nationales peuvent varier quant à la transposition de la Convention, il s’agit là plus d’un positionnement communicationnel de l’entreprise qui décide de se revendiquer de la Convention que d’une obligation juridique d’y faire textuellement référence – d’autant que la valeur des codes de conduite est elle-même discutée[12].
Autrement dit, la présomption – qui nous semble, subjectivement, répandue dans l’opinion publique – selon laquelle la Convention n°182, « convention fondamentale » de l’OIT, relève du champ de l’éthique constitue avant tout une construction intellectuelle façonnée et diffusée par le discours juridique des entreprises multinationales.
II. Un contenu justifiant l’assimilation de la ratification de la Convention n°182 à un acte éthique ?
Du point de vue du droit international, le contenu de la Convention dont la ratification universelle est annoncée ne s’analyse pas prioritairement – voire pas du tout – comme un texte promouvant une certaine éthique. Tel n’est pas le sens historique des conventions de l’OIT, et le fait que la Convention n°182 constitue l’une des huit conventions « fondamentales » de l’OIT ne confère pas une dimension éthique spécifique à cet instrument.
Certes, le titre de la Convention, qui annonce porter sur « les pires formes de travail des enfants », crée un horizon d’attentes a priori favorable à une analyse sous l’angle éthique, sans préjudice du discours des entreprises multinationales. Cependant, cette connotation axiologique appelle d’emblée la discussion : si la convention ne s’adresse qu’aux « pires » formes de travail, constitue-t-elle réellement une avancée éthique, et sa ratification universelle ne dissimule-t-elle pas l’absence de percée universelle d’autres instruments relatifs à toutes les formes de travail des enfants ? L’analyse du contenu de la Convention n°182, éludée par le discours juridique des entreprises multinationales, apparaît à ce stade indispensable.
L’article 3 de la Convention précise que l’expression « pires formes de travail des enfants » recoupe :
« (a) toutes les formes d’esclavage ou pratiques analogues, telles que la vente et la traite des enfants, la servitude pour dettes et le servage ainsi que le travail forcé ou obligatoire, y compris le recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés;
(b) l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant à des fins de prostitution, de production de matériel pornographique ou de spectacles pornographiques;
(c) l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant aux fins d’activités illicites, notamment pour la production et le trafic de stupéfiants, tels que les définissent les conventions internationales pertinentes;
(d) les travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s’exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l’enfant ».
La détermination des travaux mentionnés par l’article 3 (d) est réalisée « par la législation nationale ou l’autorité compétente, après consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs intéressées, en prenant en considération les normes internationales pertinentes » (article 4.1). L’absence d’harmonisation, qui paraît logique dans la mesure où la question de la « moralité » de l’enfant est soulevée, demeure problématique : sauf volontarisme étatique marqué, ne sont finalement visées par la Convention l’esclavage, le recrutement d’enfants-soldats, la prostitution et le recrutement à des fins d’activités illicites comme le trafic de stupéfiants. La recommandation n°190 de 1999 concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, d’ailleurs annexée au formulaire de rapport que doivent régulièrement compléter les États parties[13], délivre des compléments mais précise surtout, au conditionnel, qu’« en déterminant les types de travail visés à l’article 3 d) de la convention et leur localisation, il faudrait, entre autres, prendre en considération » :
« a) les travaux qui exposent les enfants à des sévices physiques, psychologiques ou sexuels
b) les travaux qui s’effectuent sous terre, sous l’eau, à des hauteurs dangereuses ou dans des espaces confinés;
c) les travaux qui s’effectuent avec des machines, du matériel ou des outils dangereux, ou qui impliquent de manipuler ou porter de lourdes charges;
d) les travaux qui s’effectuent dans un milieu malsain pouvant, par exemple, exposer des enfants à des substances, des agents ou des procédés dangereux, ou à des conditions de température, de bruit ou de vibrations préjudiciables à leur santé;
e) les travaux qui s’effectuent dans des conditions particulièrement difficiles, par exemple pendant de longues heures, ou la nuit, ou pour lesquels l’enfant est retenu de manière injustifiée dans les locaux de l’employeur ».
L’essentiel du contenu de la Convention réside dans cet article 3, dans la mesure du possible interprété conformément à la recommandation 190. Les autres dispositions relèvent en effet de l’application : localisation des types de travail visés (article 4), établissement des « mécanismes appropriés pour surveiller l’application des dispositions donnant effet à la présente convention » (article 5), mise en œuvre par les États de « programmes d’action en vue d’éliminer en priorité les pires formes de travail des enfants » (article 6), prise de « toutes les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre effective et le respect des dispositions donnant effet à la présente convention, y compris par l’établissement et l’application de sanctions pénales ou, le cas échéant, d’autres sanctions » (article 7), désignation d’une « autorité compétente chargée de la mise en œuvre » (idem), ou encore entraide, coopération et assistance dans la mise en œuvre (article 8). Seul l’article 7.2 de la Convention s’avère plus précis, indiquant que :
« Tout Membre doit, en tenant compte de l’importance de l’éducation en vue de l’élimination du travail des enfants, prendre des mesures efficaces dans un délai déterminé pour:
(a) empêcher que des enfants ne soient engagés dans les pires formes de travail des enfants;
(b) prévoir l’aide directe nécessaire et appropriée pour soustraire les enfants des pires formes de travail des enfants et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale;
(c) assurer l’accès à l’éducation de base gratuite et, lorsque cela est possible et approprié, à la formation professionnelle pour tous les enfants qui auront été soustraits des pires formes de travail des enfants;
(d) identifier les enfants particulièrement exposés à des risques et entrer en contact direct avec eux;
(e) tenir compte de la situation particulière des filles ».
La Convention n°182 est donc un instrument particulièrement bref et peu dense, ce qui s’explique par son contexte d’adoption. C’est en effet face aux difficultés de mise en œuvre de la Convention n°138 sur l’âge minimum de 1973 que la rédaction d’un nouvel instrument volontairement plus limité fut initiée[14]. Au regard de son contenu, rien ne permet de penser que cette convention constitue une avancée éthique ou promeut particulièrement des normes éthiques. Son champ d’application est, comme son nom l’indique, limité à quelques formes de travail des enfants considérées comme les « pires » par les rédacteurs, de sorte que plusieurs sont occultées. Le travail de nuit des enfants, visé par deux autres conventions très faiblement ratifiées[15], ne fait par exemple l’objet que d’une recommandation émettant le souhait que les États le prennent « en considération » lorsqu’ils déterminent souverainement les formes de travail ayant un impact sur la santé de l’enfant. Autrement dit, la Convention n°182 constitue avant tout un standard minimum, susceptible d’être admis par tous, face à l’impossibilité de s’accorder rapidement et massivement sur l’interdiction de formes de travail « moins graves » des enfants – impossibilité qui pourrait aisément prêter le flanc à des critiques sur le plan éthique.
Au regard de ce qui précède, la plus-value éthique de la Convention n°182 apparaît ténue, alors que ses apports sur le plan juridique sont plus évidents. Il n’est pas niable que l’interdiction des « pires » formes de travail des enfants peut être jugée morale et que le choix de s’y conformer est éthique. Cependant, il apparaît que c’est moins le contenu concret de la Convention n°182 que le fait de s’y référer qui lui confère un contenu notoirement « éthique ». Le fait que États ne voient – pour l’instant ? – pas d’intérêt à raisonner, sur le plan sémantique, en termes d’« éthique » lorsqu’il est question de la ratification de cette Convention tend à confirmer cette conclusion : le contenu de la Convention n°182 ne relève pas particulièrement de l’éthique.
Une dernière hypothèse demeure à examiner pour confirmer, ou infirmer, l’existence d’un lien entre la Convention n°182 et le champ de l’éthique dans l’ordre juridique international.
III. La ratification universelle, vectrice d’une certaine éthique internationale ?
Selon ce dernier point de vue – d’autres étant, au demeurant, probablement possibles –, ce ne serait pas le contenu de la Convention n°182 qui fonderait, en droit, le caractère éthique de sa ratification. Ce raisonnement consiste, en tirant les conséquences de l’absence de contenu spécifiquement éthique de la Convention, à écarter le discours juridique des entreprises multinationales sur ce point et à considérer l’hypothèse selon laquelle la ratification universelle est en elle-même porteuse d’un message éthique.
L’universalité de la ratification d’une convention internationale, en particulier lorsqu’elle est relative à la protection des droits de l’homme, des droits sociaux ou de la protection de l’environnement, est généralement jugée comme une bonne chose. La communication institutionnelle des États et des organisations internationales présente en effet la ratification d’un traité par un État comme un élément positif, éthiquement satisfaisant – sans utiliser pour autant la rhétorique de l’éthique. La ratification « universelle » constitue ainsi un but : l’organisation internationale se réjouit du dépôt d’un nouvel instrument de ratification, qui contribue à atteindre ce noble objectif.
Plusieurs remarques peuvent être formulées à ce propos. D’abord, et dans la continuité des propos qui précèdent, ce type de discours ne fait pas cas du contenu du traité ratifié : une ratification est saluée en tant que telle[16], tandis qu’un retrait est accueilli de manière négative. L’action de ratifier, voire l’expression de l’intention de ratifier[17], est ainsi perçue, et présentée, comme « un pas significatif » vers des objectifs positifs : l’entrée en vigueur d’une convention[18] ou sa ratification universelle. Ce discours relatif à la ratification n’est pas neutre du point de vue axiologique, et invite ainsi la communauté internationale comme l’opinion publique à considérer la ratification d’un traité – peu important son contenu – comme un acte éthique, la ratification universelle comme un objectif éthique et l’absence de ratification comme une omission négative, voire non éthique.
Ce peu de considération pour le contenu du traité universellement ratifié entraîne un décentrement du débat : ce ne sont ni les normes ni leur effectivité qui sont commentées sous l’angle éthique, mais le positionnement massif et unanime des États, quand bien même ceux-ci ne se positionnement pas officiellement dans le champ de l’éthique. Cependant, rappelons d’abord que l’unanimité est relative, l’universalité étant circonscrite aux parties à l’Organisation en question, ici l’OIT. À ce jour, 187 États sont membres de l’OIT, après l’adhésion des Tonga en 2016. Rares sont pourtant les observateurs qui rappellent que certains États ne sont pas membres de l’OIT (notamment la Corée du Nord, Monaco, Andorre et le Bhoutan) et que la ratification de la Convention n°182 n’est, en conséquence, que relativement universelle[19]. D’autre part, tout comme son contenu est ignoré de ce type de raisonnement, il n’est pas fait de cas de l’application et de l’effectivité de la Convention n°182.
Enfin, on peut relever que la « ratification universelle » de la Convention n°182 n’est intervenue que 21 ans après son adoption, ce qui paraît particulièrement long. Doit-on réellement se féliciter de cette ratification de – seulement – tous les membres de l’OIT, sans considération pour le contenu du traité, pour son effectivité, ni pour le caractère particulièrement laborieux de cet aboutissement ? Du point de vue du droit international, il n’existe naturellement pas de réponse : la question n’est en aucun cas juridique. Du point de vue de l’éthique, il paraît aventureux de se féliciter sans réserve de cette avancée.
Du point de vue des relations entre le droit international et l’éthique, il est possible de conclure que la présomption, prégnante dans l’opinion publique, selon laquelle la ratification – a fortiori « universelle » – d’un instrument social et/ou relatif aux droits humains est un acte éthique, est un contresens. Au terme de cette rapide réflexion, il apparaît en effet qu’il n’existe pas de lien entre la ratification universelle de la Convention n°182 et le champ de l’éthique, quand bien même le discours juridique des entreprises multinationales tend à présenter – ou à faire en sorte que le public se représente – cette relation comme évidente. Autrement dit, il n’existe à notre sens pas d’argument permettant de fonder l’idée selon laquelle l’acte juridique étatique consistant à ratifier une convention internationale est un acte éthique. Démonstration a été faite d’une idée évoquée en introduction : cette qualification peut dépendre du contenu de la convention en question, mais ne peut être postulée a priori.
***
Il pourrait finalement être objecté aux développements qui précèdent qu’ils portent sur une question qui ne se pose pas : aucun État ni organisation n’a affirmé, il est vrai, que la ratification universelle de la Convention n°182 était un acte éthique, de sorte que la recherche d’un éventuel lien serait artificielle. Pourtant, il nous semble que le discours général des entreprises multinationales, conjugué à la communication institutionnelle de l’OIT, est de nature à faire naître une confusion à ce propos. Celle-ci est possiblement fondée sur le fait que, dans le discours médiatique contemporain, l’éthique est devenue – ou a été conçu comme – un argument communicationnel et un enjeu commercial. Ce nécessaire recul sur la manière dont est utilisé l’argument éthique dans la société internationale amène, au regard de l’absence constatée de lien entre ratification universelle d’un instrument social d’une part, et éthique d’autre part, à poser plus globalement une question plus large : les droits humains sont-ils, in fine, solubles dans le champ de l’éthique ? De futurs travaux seront amenés à aborder cette délicate question.
[1] Site internet de l’OIT, page Actualités.
[2] Idem.
[3] Idem.
[4] Le lien a parfois pu être fait avec le « commerce équitable » ; voir par exemple la déclaration officielle de politique étrangère française du 22 août 2013 « Lutte contre le travail des enfants – Réponse du ministère du commerce extérieur à une question écrite au Sénat (Paris, 22 août 2013) ».
[5] Voir la page consacrée aux conventions de l’OIT, citant expressement la Convention n°182 : https://ethique-sur-etiquette.org/Les-conventions-de-l-OIT.
[6] Voir les Principes éthiques et code de conduite du groupe Limagrain (mars 2019), qui précisent en quatrième de couverture que « Ces Principes Éthiques et ce Code de Conduite s’inscrivent dans le cadre de plusieurs textes internationaux dont le Groupe Limagrain partage les principes : […] les conventions principales de l’Organisation Internationale du Travail, notamment les conventions 29, 105, 138 et 182 (lutte contre le travail des enfants et le travail forcé), 155 (santé et sécurité des travailleurs), 111 (lutte contre les discriminations), 100 (rémunérations), 87 et 98 (liberté syndicale, droit d’organisation et de négociation collective) » (https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwiF78XW6rnsAhVGUxoKHZpeA5cQFjABegQIAxAC&url=https%3A%2F%2Fwww.limagrain.com%2Fdata%2Fmedias%2F3791%2Fstyle%2Fdefault%2FLimagrain_Code_de_Conduite_2019_FR.pdf&usg=AOvVaw1GTIR1AOZRWmRJg3E1tJhL).
[7] Code de conduite du Fournisseur (août 2020), Corning Incorpored : « Le Code de conduite du fournisseur de Corning reprend les principes essentiels des huit conventions fondamentales de l’Organisation internationale du Travail (OIT) », dont la convention n°182 (https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwi35Jub7bnsAhWNAWMBHQchBawQFjACegQIBRAC&url=https%3A%2F%2Fwww.corning.com%2Fmedia%2Fworldwide%2Fglobal%2Fdocuments%2FSupplier%2520Code%2520of%2520Conduct%2520November%25202018_French.pdf&usg=AOvVaw0_caHVPY_QfVZBYDO5-6uV).
[8] Charte Éthique Fournisseurs, Casino (avril 2020), où la Convention est citée parmi les « textes de référence », p. 6 (https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwi35Jub7bnsAhWNAWMBHQchBawQFjALegQIURAC&url=https%3A%2F%2Fwww.groupe-casino.fr%2Fwp-content%2Fuploads%2F2020%2F04%2FCharte-Ethique-Fournisseurs_FR_2020.pdf&usg=AOvVaw2XC1LGj2LF4jwBWDF_XQ_j).
[9] Code de conduite des fournisseurs du groupe Sanofi (non daté), qui reprend textuellement l’article 3 (d) de la Convention 182 et la cite en référence p. 2 (https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwi35Jub7bnsAhWNAWMBHQchBawQFjAHegQIWBAC&url=https%3A%2F%2Fwww.sanofi.fr%2F-%2Fmedia%2FProject%2FOne-Sanofi-Web%2FWebsites%2FEurope%2FSanofi-FR%2Fnous-connaitre%2Fethique%2FCode-de-conduite-des-fournisseurs-de-Sanofi.pdf&usg=AOvVaw2xG6p_IZnObF90JWEb8Mpm).
[10] Charte Internationale des Valeurs Sociales Fondamentales, JCDecaux (2018), qui précise p. 8 que « JCDecaux condamne le travail des enfants et s’engage à ne pas avoir recours au travail de personnes dont l’âge est inférieur à celui de l’achèvement de la scolarité obligatoire dans le pays concerné, ou ayant en tout état de cause, moins de 15 ans, conformément aux Conventions No. 138 et No. 182 de l’OIT ». (https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwi35Jub7bnsAhWNAWMBHQchBawQFjAXegQIMhAC&url=https%3A%2F%2Fwww.jcdecaux.com%2Ffr%2Fjcdecaux%2Fdownload-file%2F%3Furl%3Dpublic%253A%2F%2Fassets%2Fdocument%2F2019%2F10%2Fcharteinternationaledesvaleurssocialesfondamentalesjcdecaux2018.pdf&usg=AOvVaw3D6zguE7mAAfwQ3OeW-Q5G).
[11] Code de conduite pour les fournisseurs de Nestlé (décembre 2013), qui indique p. 2 qu’il « est strictement interdit au Fournisseur d’avoir recours au travail des enfants, conformément aux conventions de l’OIT n° 138 sur l’âge minimum et n° 182 sur l’élimination des pires formes de travail des enfants. […] Si le Fournisseur emploie de jeunes ouvriers, il doit apporter la preuve que l’emploi de jeunes n’expose pas ceux-ci à des risques physiques excessifs pouvant nuire à leur développement physique, mental ou émotionnel » (https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwi35Jub7bnsAhWNAWMBHQchBawQFjAaegQIRBAC&url=https%3A%2F%2Fwww.nestle.com%2Fasset-library%2Fdocuments%2Flibrary%2Fdocuments%2Fsuppliers%2Fsupplier-code-french.pdf&usg=AOvVaw0i0stl-oU23OSfjA-1ZqhG).
[12] Sur cette question, voir parmi de nombreuses références la thèse de M. Larouer, Les codes de conduite, sources du droit, Dalloz, Nouvelle Bibliothèque de Thèses, vol. 176, 2018, 598 p. À notre sens et indépendamment des qualifications des ordres juridiques étatiques, une perspective pluraliste permet de considérer le code de conduite comme une source de droit interne de l’entreprise multinationale, dans la mesure où elle génère son propre ordre juridique (v. sur cette question R. Maurel, Les sources du droit administratif global, Thèse soutenue le 2 décembre 2019, Université Clermont Auvergne, à paraître en 2021). Le code d’éthique peut donc intégrer, dans l’ordre juridique de l’entreprise, le contenu des conventions de l’OIT ; il n’en demeure pas moins que cette intégration n’a aucune valeur dans l’ordre juridique international.
[13] Voir pour un exemple : https://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=NORMLEXPUB:51:0::NO:51:P51_CONTENT_REPOSITORY_ID:2543562:NO.
[14] Le rapport du Sénat français sur le Projet de loi relatif au travail des enfants relève à ce propos que « La volonté de prolonger la convention n° 138 de l’OIT par un instrument plus limité mais plus contraignant, résulte d’un double constat : – la convention n° 138 s’avère difficile à mettre en œuvre, – il importe de lutter en priorité contre les formes les plus inadmissibles du travail des enfants. La convention n° 138 qui traite globalement de la question du travail des enfants, apparaît à de nombreux États, trop complexe et difficile à mettre en œuvre dans le détail, compte tenu des nombreuses possibilités de dérogations qu’elle prévoit. Cette complexité a longtemps freiné le mouvement de ratification de la convention et constitue toujours un obstacle à son application effective. Le cheminement très progressif vers l’abolition du travail des enfants, tel qu’envisagé par la convention n° 138, est apparu beaucoup trop lent au regard des formes les plus intolérables de travail des enfants » (Rapport n° 46 (2000-2001) de M. Xavier PINTAT, fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 25 octobre 2000, accessible en ligne : http://www.senat.fr/rap/l00-046/l00-046_mono.html).
[15] Convention (n° 90) sur le travail de nuit des enfants (industrie) (révisée), 1948, ratifiée par seulement 51 États (https://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO:12100:P12100_INSTRUMENT_ID:312235:NO), faisant suite à la Convention (n° 6) sur le travail de nuit des enfants (industrie), 1919, ratifiée par 59 États et dénoncée par 9 États – certains pour ratifier la version révisée de 1948, d’autres non, comme la Guinée, le Mexique, le Sri-Lanka, la Tunisie et l’Uruguay (https://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO:12100:P12100_INSTRUMENT_ID:312151:NO).
[16] Voir par exemple la communication autour de la ratification, par l’Inde, des conventions n°138 et 182 : https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_557710/lang–fr/index.htm.
[17] Par exemple en mars 2020, à propos de la ratification possible de la convention n° 190 sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail par quatre États (Argentine, Finlande, Espagne, Uruguay) : https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_737636/lang–fr/index.htm.
[18] Par exemple, la ratification par l’Uruguay (premier État à le faire en juin 2020) de la convention n° 190 : https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_747851/lang–fr/index.htm.
[19] Pour citer une exception francophone, voir cet article du Figaro : https://www.lefigaro.fr/conjoncture/la-convention-sur-les-pires-formes-de-travail-des-enfants-enfin-adoptee-a-l-unanimite-au-bout-de-21-ans-20200804.