Chercheuse et professeur spécialisée en économie expérimentale, Angela Sutan est aussi responsable du LESSAC (Laboratoire d’Expérimentation en Sciences Sociales et Analyse des Comportements) à l’École Supérieure de Commerce de Dijon. Originaire de Roumanie, elle nous livre ici son parcours autant passionnant que passionné, consacré aux mécanismes des comportements humains et parle de sa nouvelle participation à la Nuit Européenne des Chercheur·e·s.
Quel rôle allez-vous jouer lors de La Nuit Européenne des Chercheurs ? Quelle est l’originalité de cette soirée 2015 ?
Cela fait plusieurs années maintenant que je participe à La Nuit Européenne des Chercheurs, et 15 ans que je m’engage dans la vulgarisation scientifique. A chaque fois, notre équipe propose des ateliers qui permettent au public de vivre en direct une vraie expérience scientifique. Pour les expérimentalistes comme nous, La Nuit Européenne des Chercheurs offre un terrain idéal pour effectuer nos jeux et mises en situation ! La nouveauté et l’originalité de cette année, pour les 10 ans de cette manifestation, est la réalisation d’une expérience reproduite à l’identique et au même moment dans les 11 villes françaises. Ce sont les organisateurs nationaux qui ont eu l’idée de ce projet de grande envergure sur lequel nous avons candidaté. La Grande expérience est une première dans l’histoire de La Nuit Européenne des Chercheurs et dans l’histoire de l’économie expérimentale !
En quoi consiste cette soirée qui met cette année l’économie expérimentale à l’honneur ?
Au cours de la soirée du 25 septembre, nous invitons le public à participer à La Grande expérience qui a pour objet de le confronter à un dilemme et de l’amener à prendre une décision. Nous avons constaté que les individus répondent de manière plus impliquée lorsque leurs gains sont directement impactés que lorsqu’ils répondent à un questionnaire d’opinion. C’est ce sur quoi s’appuie l’Économie expérimentale. Les mises en situation en direct sont hautement révélatrices des préférences des individus. Et dans la nuit du 25 septembre, >nous déplaçons en quelque sorte, notre laboratoire sur place.
Comment et pourquoi vous êtes-vous spécialisée en Économie expérimentale ?
D’une part, j’ai toujours été passionnée par les Mathématiques dont l’Économie expérimentale fait partie, comme son nom ne l’indique pas ! D’autre part, je me suis intéressée à la psychologie et aux comportements humains. J’ai donc naturellement cherché à combiner les deux disciplines. J’ai quitté la Roumanie, dont je suis originaire, pour obtenir un master en économie et finance internationale. Puis j’ai choisi de préparer une thèse sur les anticipations croisées, processus et interaction incontournables de toute décision humaine : « j’anticipe ce que je fais, tu anticipes ce que j’anticipe, etc.». Ces types de raisonnement existent dans toute prise de décision, et nous intéressent particulièrement en tant qu’économistes. Nous étudions les mécanismes de la prise de décision et travaillons sur la modélisation de la décision humaine. Pour cela, nous inventons en laboratoire des jeux qui reconstituent des situations réelles et simplifiées. Nous étudions les réponses des joueurs volontaires et les comparons aux réponses théoriques définies grâce à des équations mathématiques ou modèles. Et je continue d’étudier les croyances des individus, leur raisonnement et les stratégies qu’ils élaborent pour gagner.
Qu’en est-il des perspectives de l’Économie expérimentale, des espoirs, des attentes pour accompagner notre monde en perpétuelle mutation ?
Bien que fondée dans les années 1950, l’Économie expérimentale a rencontré certaines difficultés à venir jusqu’en France. C’est aujourd’hui chose faite. En termes d’espoirs et d’attentes, elle permet de proposer des systèmes d’aide à la décision dans tous les domaines. À la différence de l’Économie traditionnelle, elle considère que l’individu n’est pas rationnel et qu’il fait des erreurs. Elle a donc pour rôle d’étudier les erreurs, non pas pour les prévenir, mais pour les prendre en compte, les comprendre, les contourner. Nous, expérimentalistes, cherchons comment identifier les erreurs et les utiliser pour conduire les individus dans une meilleure direction. C’est ce que nous appelons les « coups de pouce ». Il a été constaté par exemple qu’un individu qui reçoit, sur sa facture d’électricité, sa propre consommation et celle de son voisin, va réagir en conséquence et de fait, réduire sa prochaine consommation. La comparaison aux autres est un des processus possibles pour améliorer les comportements futurs.